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Coté légal
La Cour de cassation a révolutionné les congés payés le 13 septembre 2023. En effet, avant cette décision, un salarié se voyait réduire l'acquisition de ces congés quand il était absent, selon le Code du travail, car il estimait que cela n'était pas du travail effectif (Art. L. 3141-3).
En 2003, la Directive Européenne sur le temps de travail prévoyait qu'un salarié a le droit à ses congés payés d'au moins quatre semaines sans distinction d'origine des absences et donc y compris en cas d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle, selon la jurisprudence européenne (CJUE 24 janvier 2012, aff C-282/10).
De même pour les arrêts de travail liés un accident de travail ou maladie professionnelle quand une certaine durée est dépassée.
Le 13 septembre
Mais en ce 13 septembre 2023, la Cour de cassation a tranché : les arrêts maladie sont désormais considérés comme une période de travail réel qui détermine la durée du congé, à l'instar des congés de maternité ou des congés payés par exemple.
Par conséquent, les salariés ont droit à l’acquisition de congés payés pendant leurs arrêts de travail pour maladie non professionnelle (cass du 13 septembre N°22-17.340). Sur la même lignée, l’accident du travail et la maladie professionnelle étaient limités à 1 an pour l'assimilation du travail effectif pour l'acquisition de congé change. Cette acquisition des droits à congés payés s’applique dorénavant sur toute la période d’interruption de travail et n’est plus limité à la première année.(cass du 13 septembre N°22-17.638).
À noter que cela ne s'applique pas à l'acquisition des RTT. Les arrêts de travail pour maladie non professionnelle ou pour AT/MP ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif pour l'acquisition des jours de RTT, à part disposition conventionnelle contraire.
Pour les jours concernés, la cour indique que l'acquisition des congés par un salarié vaut pour l’intégralité, donc y compris la 5ᵉ semaine et congés conventionnels. Cette décision va au-delà de la cour de justice européenne qui, quant à elle, avait imposé de respecter un droit de congé annuel d’au moins 4 semaines.
Puis il y a aussi un changement pour les congés payés en cas d’arrêt maternité ou de congé parental (cass du 13 septembre 2023, n° 22-14043).
La Cour de cassation a décidé que le droit des congés payés acquis par un salarié avant le début d’un congé parental d’éducation totale est reporté. Elle s'aligne sur la cour de justice européenne. Cela s'applique aussi au salarié ayant un congé maternité.
Point d’attention pour le congé parental d'éducation : c'est le congé avant la date du début qui est reporté après la reprise du travail, car, pour rappel, durant le congé parental d'éducation, un salarié ne peut acquérir de congés payés.
Cependant, les effets de ces jurisprudences ne sont toujours pas établis, plusieurs points restent encore dans l'interrogation comme : Qu'elle est la durée maximale d'acquisition ? Quand est-ce que cela entre en vigueur ? Ou qu'arrive-t-il aux salariés qui étaient déjà en arrêt maladie au moment de la date d'effet ?
De plus, le ministre du Travail, Monsieur Olivier Dussopt a indiqué le 26 septembre 2023 que la question était en cours d'instruction pour ces salves arrêtées rendues par la cour.
Il indique ‘'qu'il y a des travaux à mener, notamment pour voir quelles seraient les conséquences, y compris financières, de l'application pure et simple de ce qui est écrit dans l'arrêt et ce que ça représenterait en termes de coût du travail". Et qu'une réunion est, d'ailleurs, prévue "dans les prochains jours avec le président de la République et la Première ministre.”
Le 8 février 2024
Le Conseil constitutionnel (Décision n° 2023-1079 QPC du 8 février 2024) a rendu son verdict sur les congés payés et la maladie. Il a jugé que le Code du travail est conforme à la Constitution. Cependant, le mystère demeure concernant l'adaptation du droit européen au droit français. De plus, la décision des sages n'a pas d'impact sur la Cour de cassation. Le gouvernement va devoir tout de même changer le droit français.
Le 15 mars 2024
Le gouvernement a déposé un amendement (Amendement n°44) qui comprend divers changements impactant la gestion des logiciels de paie :
- Les arrêts de travail depuis le 1ᵉʳ décembre 2009 seront concernés (Traité de Lisbonne, directive européenne pour les congés payés). Il y aura donc rétroactivité depuis 2009.
- Les salariés en arrêt de travail pour maladie non professionnelle pourront acquérir des congés payés limités à 2 jours ouvrables par mois, soit 24 jours ouvrables par an, soit 4 semaines de congés payés (à savoir qu'en maladie professionnelle, on acquiert 5 semaines de congés payés).
- Si le salarié est encore dans la société, il aura 2 ans à compter de la publication de la loi pour réclamer les congés payés qu’il n’a pas acquis (avec un maximum de 4 semaines de congés payés par an).
- Si le salarié n'est plus dans la société, il aura 3 ans à compter de la publication de la loi pour réclamer les CP qu’il n’a pas acquis (avec un maximum de 4 semaines de congés payés par an).
- L’employeur devra notifier, dans les 10 jours au retour de l'arrêt de travail, du nombre de jours de congés payés dont le salarié dispose.
- Le salarié pourra bénéficier d'un report de 15 mois (ce temps pourra être allongé si accord d'entreprise ou accord de branche). Si le délai des 15 mois est dépassé, le salarié perd son droit à bénéficier de ses congés payés.
- L’indemnité de CP acquise pendant un arrêt de travail serait à hauteur de 80 % (au lieu de 100 % en cas de maladie professionnelle). Ce mode sera donc moins favorable que l’indemnité de congés payés dites “classique”.
Le 04 avril 2024
La Chambre mixte paritaire a été saisie, le texte sur l’adaptation au droit de l’Union européenne, dans lequel l’amendement 44 sur les congés payés en cas d’arrêt maladie figure, est accepté.
Cependant, la commission modifie dans l’article 31 de ce texte.
Il est dit que l'employeur devra informer le salarié dans le 1 mois qui suit la reprise du travail et plus 10 jours comme les députés le souhaitait. Tout en gardant le fait que l’employeur devra dans ce document indiquer le nombre de jours de congé dont il dispose et la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris. La CMP a indiqué que cela pourra se faire au moyen du bulletin de salaire.
De plus, la CMP modifie le fait que le congé de paternité et d’accueil de l’enfant sera intégré à Article L1251-19 qui indique que cette absence sera assimilé à du temps de travail effectif pour l’acquisition de congé (calcul pour l’indemnité compensatrice de congé payé) pour les salariés temporaires.
Le reste n’a pas été modifié sur l’amendement de base. Attendons tout de même le 9 avril et le 10 avril (Sénat et Assemblé) et le Conseil constitutionnel si celui-ci n’est saisi pour quelconque demande.
Le 10 avril 2024
Le Sénat ainsi que l'Assemblée Nationale ont approuvé le texte de la Chambre Mixte Paritaire et l'ont finalement adopté en réponse à la décision de la Cour de cassation du 13 septembre 2023. Nous attendons maintenant une probable soumission du Conseil constitutionnel, puis une décision des sages.
Pour l’heure, les employeurs ne sont pas en mesure de changer leur situation : leurs salariés et leurs anciens salariés peuvent toujours invoquer le contenu des décisions de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, y compris dans des litiges se rapportant à des périodes antérieures à cette date.
Nous ne manquerons pas de revenir vers vous sur ces effets.
Le 23 avril 2024
La loi sur diverses mesures d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) est publiée au Journal officiel du 23 avril 2024. L’article 37 qui harmonise le Code du travail français avec le droit européen sur l'obtention de congés payés en cas d'arrêt maladie ou AT/MP entre donc en vigueur le 24 avril 2024.
Le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi du texte, donc ne l'a pas examiné.
Cependant, les salariés ou contribuables, à l'occasion de contentieux, tenteront de porter des points précis de la loi devant le Conseil constitutionnel dans le cadre de « questions prioritaires de constitutionnalité », ou devant la Cour de justice de l'Union européenne via des « questions préjudicielles ». Mais cela peut un être un peu complexe.
Voici ce que prévoit la loi et ce qui est applicable : (résumé en tableau)
Règle d’acquisition des congés payés | |||
Travail sans absence | Accident ou maladie à caractère non professionnel | Accident du travail ou maladie professionnelle | |
Règle d’acquisition | 2,5 jours ouvrables par mois | 2 jours ouvrables par mois | 2,5 jours ouvrables par mois |
Droit maximum légal par période d’acquisition | 30 jours ouvrables | 24 jours ouvrables au titre des arrêts pour accident ou maladie non professionnelle | 30 jours ouvrables |
Pendant quelle durée ? | - | Durant toute la durée de l’arrêt de travail |
L’indemnité de congés payés | |
Rappel |
L’indemnité de congés payés doit se calculer au plus favorable au salarié entre :
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Changement pour la règle du 10ᵉ | La rémunération pour les périodes d'arrêt maladie n'est que de 80 %(contre 100 % pour un AT/MP par exemple). |
Information du salarié sur ses droits à congés payés | |
Quand ? |
• Après un arrêt pour maladie ou accident, (professionnelle ou non professionnelle) • Dans le mois qui suit la reprise du travail |
Information ? | Nombre de jours de congé dont le salarié dispose + La date jusqu’à laquelle ils peuvent être pris |
Par quel biais ? | Tout moyen comme document administratif ou au moyen du bulletin de paye » précise la loi. |
C’est important ? | Oui la loi le prévoit et cela détermine le point de départ du délai de report de CP. |
Le report des congés payés | ||
Cas général | Arrêt de travail depuis au moins un an à la fin de la période d’acquisition | |
Période de report | 15 mois pour les congés que le salarié n’a pas pu prendre sur leur période de prise | 15 mois pour les congés payés acquis sur la période concernée. |
S'il y a conventionnel | Possibilité d’un délai de report plus long | Possibilité d’un délai de report plus long |
Point de départ du report | Une fois le salarié informé sur ses droits à congé, après la reprise du travail |
• À la fin de la période d’acquisition concernée • Si le salarié reprend avant la fin du report, le report est interrompu et reprend une fois que le salarié est informé de ses droits. |
La rétroactivité sur la période courant du 01.12.2009 au 24.04.2024
- Le salarié est encore dans la société, il aura 2 ans à compter de la publication de la loi pour réclamer les congés payés qu’il n’a pas acquis (avec un maximum de 4 semaines de congés payés par an) soit jusqu’au 23.04.2026.
- Si le salarié n'est plus dans la société, il aura 3 ans à compter de la date de rupture du contrat de travail pour réclamer les CP qu’il n’a pas acquis (avec un maximum de 4 semaines de congés payés par an).
Mise à jour côté CNETP du 19 décembre 2024
Depuis le 19 décembre 2024, La CNETP propose aux entreprises de calculer et de communiquer la date de report des congés d'un employé à partir de l'espace Adhérents du site Internet.
Il y a deux options possibles, soit l’échange de données informatisées ou bien une nouvelle fonctionnalité de saisie et de consultation en ligne.
Cliquez ici pour découvrir le flash info de la CNETP sur la loi DDADUE.
Côté EBP Paie Solution Autonome
Une procédure vous indique comment gérer l'indemnisation des congés payés acquis pendant un arrêt.